Disparition de la Rue de Paris au Parc Astérix : sur les traces des activités oubliées
Ce n’est à présent un secret pour personne, la Rue de Paris, officiellement dénommée zone « À Travers le Temps », est proche de la disparition totale au Parc Astérix, pour faire place à de nouveaux projets.
Il faut dire que l’endroit manque cruellement de vie depuis une quinzaine d’années, alors qu’il regorgeait d’activités auparavant. Repartons donc à la découverte de tout ce qui animait autrefois la Rue de Paris, pour aussi mieux comprendre le concept de la zone. Accrochez-vous, car il y a bien plus que ce que vous pensez !
Avant toute chose, répondons à la question que tout le monde se pose : pourquoi cette zone sans rapport avec Astérix ? La raison est simple : à son origine en 1989, le Parc Astérix se voulait divertissant, mais aussi culturel. On retrouvait cette même idée dans de nombreux projets de parcs de loisirs de l’époque (Futuroscope, Mirapolis, Euro Disneyland…), peut-être était-ce la seule manière de les faire accepter par les élus un peu snobs.
On se balade dans l’Histoire de France, du Moyen-Âge jusqu’à l’époque 1900, en s’efforçant d’offrir au public des choses qui soient cocasses, et en même temps on leur laisse, si possible, une petite graine de réflexion !
Pierre Tchernia, un des principaux concepteurs du parc, au micro de Michel Drucker en 1989
Le Moyen-Âge
C’est en bordure du grand lac que commencent les « 1000 ans d’Histoire en 200 mètres », comme le vendaient les premières brochures du parc. Face à nous, les iconiques tours amoureuses, dessinées par Uderzo lui-même et faisant référence à l’enceinte de Philippe Auguste, fortification parisienne de la fin du XIIe siècle.
En traversant la muraille, on arrive sur la place du Moyen-Âge, qui était originellement bien plus réduite, puisque la Halte des Chevaliers n’est arrivée qu’en 1998.
La grande estrade extérieure qui est sur la droite voyait au début se produire une multitude d’artistes représentant les saltimbanques du Moyen-Âge. Jongleurs, acrobates, cracheurs de feu, ou mimes sculpteurs de ballons, ils étaient plus ou moins dans le thème. En 2003, le spectacle « Rapaces en vol libre » a été lancé, mais n’aura duré que 3 ans. D’ailleurs, les façades tout autour de cette scène étaient bien différentes la première année d’ouverture du parc !
De l’autre côté de la place, un forgeron présentait son métier dans ce qui est aujourd’hui le kiosque de boissons « L’Antre du Druide », où on peut toujours voir le décor forgé.
À côté, une multitude de pierres taillées et une grue représentent un chantier, installant le thème des bâtisseurs de cathédrales qui, on le verra plus loin, est récurrent dans la zone.
Toutefois, impossible de continuer sans mentionner l’ancien train fantôme, ou plutôt les trains fantômes ! La première année, L’Apocalypse, sur le thème des peurs de l’an mille qui hantaient la population de l’époque, embarquait les visiteurs à travers des décors spartiates. Cette attraction n’a que très brièvement ouvert car a rapidement dû être démontée pour des raisons de sécurité incendie.
Ensuite, il aura fallu attendre 2003 pour le grand retour d’un train fantôme sur le même thème : le fameux Transdemonium. L’ambition est ici beaucoup plus grande, ce qui lui permettra de « survivre » jusqu’en 2018. Il y a beaucoup à dire sur cette attraction qui a marqué, en bien ou en mal, nombre de visiteurs, mais nous en avons déjà longuement parlé dans un dossier dédié.
Pour continuer la découverte du Moyen-Âge, on s’aventure dans le premier passage couvert de la Rue de Paris. Ici, on est au beau milieu de la frénésie des bâtisseurs de cathédrales, et le chantier de Notre-Dame de Paris est d’ailleurs représenté au bout de la ruelle transversale.
De nombreux métiers, aujourd’hui rares, étaient essentiels à la construction d’un tel édifice, et ils reprenaient vie au Parc Astérix grâce aux artisans travaillant sous les yeux des visiteurs. On pouvait par exemple poser toutes nos questions à un tailleur de pierres, un vitrailliste, un potier, un sculpteur sur bois… Pendant des années, ils ont fabriqué une multitude d’objets d’art authentiques, qui ont pour régulièrement alimenté des décors aux quatre coins du parc. Des métiers oubliés rendus accessibles au grand public !
Après avoir vu les artisans travailler, on pouvait aussi repartir avec des objets souvenirs, par exemple dans la boutique Le Marché Saint-Benoît (devenue plus tard le Café O Dal), qui vendait armes et armures, parfois à plus de 1000 €.
En s’aventurant plus profondément dans les décors, à côté du Bouillon de Godefroy, on pouvait découvrir une sordide maquette du gibet de Montfauçon, caché depuis longtemps derrière une régie technique installée pour Peur sur le Parc. On vous passe les détails de ce qu’était un gibet au Moyen-Âge, sachez seulement que ce terme est synonyme de « potence ».
Enfin, pour terminer sur une meilleure note, en entrant dans Notre-Dame en construction, on pouvait se placer sous des faisceaux lumineux pour déclencher des sons d’orgue.
Du XVIIe au XVIIIe siècle
Retrouvons la lumière du jour en avançant dans le temps jusqu’au XVIIe siècle. Autour de la fontaine, sur la place du Grand Condé, il n’était pas rare de se retrouver au beau milieu d’un combat entre les Trois Mousquetaires et les gardes du Cardinal de Richelieu tentant d’enlever Constance Bonacieux, comme dans le célèbre roman d’Alexandre Dumas. Ce palpitant spectacle de cascades avait lieu de 1992 à 2006 sur une façade équipée de divers effets spéciaux pour l’occasion. Cela a remplacé une ancienne architecture représentant des hôtels particuliers du XVIIe siècle avec, vu de près, un étrange style crayonné noir et blanc. Ce décor baroque n’a pas fait long feu entre l’ouverture du parc et l’arrivée des Mousquetaires.
Autre figure de l’époque : Jean de la Fontaine, qui avait son théâtre dédié, là où s’est plus tard installé Métamorphosis pour Halloween (en conservant le cadre de scène en bois). Un temps, les célèbres fables étaient racontées à l’aide d’un mécanisme sophistiqué d’automates. À une autre période, il fallait plutôt compter sur des cubes, cylindres et cônes dans « Les Fables géométriques ». Cette série d’animation 3D écrite par Pierre Perret était diffusée à la télévision au début des années 90, et donc aussi au Parc Astérix. De nombreux épisodes sont disponibles sur internet, pour profiter des graphismes… d’époque.
Un peu plus loin, dans un des deux édifices inspirés du hameau de la Reine de Versailles, l’artisanat d’époque était à nouveau représenté à travers une imprimerie du temps de Gutenberg.
De l’autre côté, le Mini Carrousel occupait le centre d’un jardin à la française, avant d’être délocalisé en 1996 pour faire place aux Chevaux du Roy.
En toile de fond de cette place, on aperçoit la prison de la Bastille, tout juste prise le 14 juillet 1789. Sur un mur, on trouvait d’ailleurs un graffiti « À la lanterne ! », une expression utilisée par les révolutionnaires voulant pendre les aristocrates aux réverbères.
Le XIXe siècle et après
Après cet épisode fort de l’Histoire de France, on pénètre dans le second bâtiment de la Rue de Paris pour arriver justement sur la place du 14 juillet. Ici, on trouve 2 spectacles d’automates ayant miraculeusement survécu jusqu’en 2024. Sur la droite, de la Maison du 14 juillet sortent divers mécanismes montrant comment la fête nationale se célébrait.
En face, l’Hôtel des artistes laissait voir à travers sa façade Victor Hugo, Offenbach, Verlaine, et bien d’autres, le tout raconté par la voix de Pierre Tchernia.
Originellement, il n’était pas possible de continuer tout droit vers la sortie, les visiteurs étaient forcés à faire le tour pour s’enfoncer dans les ruelles du Paris du XIXe siècle, jonchées d’affiches ayant pour beaucoup réellement existé à l’époque. On tombait d’abord sur l’impasse Gavroche (ayant plus tard servi de file d’attente à la Maison de la Peur), dont la scène accueillait au début des petits spectacles de cabaret, avant de surtout se focaliser sur la diffusion de films anciens.
Juste après, dans la rue Renoir, la boutique du photographe Nicéphore Beloizeau proposait de se faire prendre en photo en vêtements d’époque. Un grand classique qui existe toujours dans d’autres parcs comme PortAventura ou Fraispertuis City.
Dans ces ruelles, c’était aussi l’occasion de rencontrer des comédiens les faisant vivre comme s’ils étaient des parisiens et parisiennes de l’époque. Une ambiance bien plus animée que ce qu’on a connu les dernières années !
Avant de sortir, sous l’évocation de l’ancienne gare Montparnasse et de son célèbre accident de 1895, se trouvait la boutique originellement appelée « Au Bonheur des Dames » représentant les premiers grands magasins parisiens dans lesquels se passait le roman éponyme d’Émile Zola.
Mentionnons également deux artisans installés dans cette zone : un maître verrier et un lithographe dans les échoppes À la croix de Saint-Clair et Ludovic Plantin.
En sortant sous la façade représentant l’exposition universelle de 1900 à Paris, on arrive sur une place qui a bien changé. Au centre se tenait le bâtiment « Animal Studio », pour se faire maquiller et regarder un film en partenariat avec les marques de nourriture animalière Whiskas et Canigou. À l’origine, cet espace faisait référence au cinématographe, inventé en 1895 par les frères Lumière. Bien plus tard, l’intérieur du bâtiment a été décoré en tente de César à l’aide de décors récupérés des films Astérix.
Devant, la Machine Infernale Haribo attirait les gourmands. Le principe était simple : deviner l’odeur de bonbon émise par la machine (fraise, cola ou banane). Cependant, il n’y avait rien à gagner à part le droit de regarder une animation festive sur l’écran.
Dans un coin de la place, il y avait l’Escadrille des As pour représenter les débuts de l’aviation, avant son déménagement du côté de la zone Viking lorsque Main basse sur la Joconde est arrivé en 1996.
Enfin, l’extrémité de la Rue de Paris était marquée d’un côté par Nationale 7, et de l’autre par le cinéma 3D, dont la façade n’a cessé de changer. Les premières années, on a pu y voir des films animaliers présentés par la région Picardie. Plus tard, il n’était utilisé que pour des films d’Halloween et Noël, avant de devenir Attention Menhir en 2019.
En prime, juste à côté se trouvaient aussi les Jeux de Rigolini, transformés plus tard en la bien connue Foire aux 6 Trouilles pour Peur sur le Parc. Cette zone était composée de plusieurs jeux d’adresse classiques, mais avec un effort de thématisation humoristique pour rendre le tout cohérent.
En 35 ans, la Rue de Paris aura ainsi vu passer une sacrée quantité d’expériences. Beaucoup se sont vite essoufflées, et quelques autres ont été des succès retentissants. Néanmoins, on ne peut que saluer les créatifs qui se sont remué les méninges pour proposer des activités originales.
Malgré son abandon progressif, cette zone restera probablement celle où l’attention au détail était la plus poussée au Parc Astérix. On ne peut qu’espérer revoir un jour un tel travail scénographique dans les futurs projets dont les premiers éléments sont déjà révélés.