C’est du Délire : rencontre avec les concepteurs de la comédie musicale du Parc Astérix
Le 30 mars 2024, C’est du Délire, la première comédie musicale gauloise, a été lancée au Parc Astérix ! Un beau cadeau pour les 35 ans du parc, qui nous a particulièrement conquis.
Nous avons eu la chance de rencontrer ses deux concepteurs, Julien Salvia et Ludovic-Alexandre Vidal, afin de leur poser quelques questions à propos de leur travail sur le projet.
Découvrez aussi cet article en podcast ! 🎧
Cet article retranscrit certaines parties de l’entretien, mais l’intégralité peut être écoutée dans le tout nouveau podcast Place du Carrousel, puisque cela a été l’occasion d’en enregistrer le premier épisode ! Disponible sur la plupart des plateformes (Apple, Spotify, etc.).
Synopsis : C’est du Délire relate les aventures de Groupidupianix et Sérotonine, ayant respectivement pour ambition de devenir le plus grand barde de tous les temps et la première femme druide. Cependant tout ne va pas se passer comme prévu…
Ludovic-Alexandre Vidal et Julien Salvia se sont rencontrés à l’école d’ingénieurs. Unis par leur passion de la comédie musicale, ils montent leurs premiers spectacles et se font peu à peu connaître avec des adaptations de classiques tels que Tom Sawyer, La Petite Fille aux Allumettes ou Le Tour du Monde en 80 jours.
Pouvez-vous nous raconter la genèse du projet ?
C’est Hervé Bruneau, le producteur exécutif de ce spectacle qui nous a contactés dans le cadre d’un appel d’offre. Nous avons eu le bonheur d’être retenus !
Le projet a ensuite nécessité 3 ans de développement.
La première année a été consacrée à l’écriture du spectacle et à la validation auprès des éditions Albert René. C’était un moment inoubliable car nous avons présenté le spectacle à Anne Goscinny et Sylvie Uderzo en interprétant tous les personnages à deux, c’était assez drôle à voir !
Le seconde année a été dédiée à la mise en production et à la scénographie mais aussi à la conception des décors et costumes.
Enfin la dernière année est la concrétisation de tout ce travail : on organise des castings, on monte un premier squelette du spectacle sous forme d’un workshop afin d’en vérifier l’architecture globale. Dès octobre 2023, les installations techniques sont mises en place dans le Théâtre de Panoramix et sont testées. Nous avons enregistré l’album du spectacle en novembre avec l’orchestre. Les répétitions avec à la fois les artistes et les équipes techniques se sont déroulées en février.
Et enfin, la première de C’est du Délire au public a eu lieu 30 mars 2024 !
Le spectacle donne vraiment la sensation de plonger dans les cases de la bande-dessinée, notamment grâce à ses décors. Qui en est à l’origine ?
Les décors ont été réalisés par KAERU Theme Park Design (Jean-François Preti et Julien Bertevas), qui sont notamment à l’origine de la zone Toutatis. Ils connaissent très bien l’univers d’Astérix et ont déjà travaillé avec le parc.
Nous sommes très touchés quand nous avons ce genre de retours, car c’était une réelle volonté des équipes que de donner la sensation aux spectateurs de rentrer dans une case de bande-dessinée !
Quelles ont été les inspirations pour les costumes ?
Isabelle Ledit, la chef costumière du parc, a effectué un nombre conséquent de recherches. Elle travaille au Parc Astérix depuis des années et connaît bien l’univers.
Pour Groupidupianix, on a pensé aux vedettes d’aujourd’hui, comme Harry Styles ou encore Timothée Chalamet. On voulait quelque chose de moderne, avec un clin d’œil à ses origines rurales avec la touche moutonnée pour rappeler la profession de sa maman. Ses frères et sa sœur renvoient un peu à des rugbymen.
Sérotonine est le personnage qui a nécessité davantage de recherches. Il fallait que le costume rappelle le dynamisme de son caractère. Les éditions nous ont même suggéré la serpette en accessoire, ce qui s’est révélé être une très bonne idée.
Comment gère-t-on le timing d’un spectacle dans un parc ?
C’était le gros du travail ! On nous a demandé une comédie musicale d’une durée de 20-25 min, avec tous les grands ingrédients de la comédie musicale, de l’humour, avec les éléments caractéristiques de l’univers d’Astérix. Autant dire que c’était très difficile d’installer une histoire et du comique en aussi peu de temps. On a donc réussi à négocier une durée finale de 30 min ! C’était un vrai défi, mais on est contents du résultat.
Il était vraiment important de garder certains moments du spectacle qui sont nécessaires pour que les équipes techniques puissent assurer les transitions, les changements de décors ou encore que les acteurs puissent se changer.
Avez-vous eu des difficultés à trouver le scénario ?
L’histoire nous est venue assez naturellement dès le début, pendant l’appel d’offre, car il fallait faire rentrer les codes de la comédie musicale dans l’univers d’Astérix.
De prime abord, il peut paraître difficile de faire chanter des gaulois. Mais en fait, ces deux univers ont des points communs, comme le fait que les personnages soient très marqués, caricaturaux, et qu’ils expriment facilement leurs émotions. Or, dans la comédie musicale, les personnages chantent quand l’émotion devient trop forte.
Nous avons donc fait le choix de faire une sorte de spin off de l’univers d’Astérix où un jeune homme rêve de devenir barde, ce qui fait entrer d’emblée la musique dans le scénario. Le seul barde que les gens du village gaulois connaissent étant Assurancetourix, attaché en haut d’un arbre à chaque fête du village, on peut comprendre les réticences de la famille ! Nous tenons donc là notre enjeu dramatique, qui est expliqué dans la “I want” song (Élément caractéristique de la comédie musicale, qui présente les motivations d’un personnage) “Je voudrais qu’on m’entende”.
Nous voulions également un personnage féminin avec du caractère et une volonté forte, chose rare dans l’univers d’Astérix, qui a pour ambition de devenir la première femme druide.
Ainsi, le ressort de la potion musique qui permet de faire chanter les gens permet de justifier la présence de chansons. Les potions sont également des éléments narratifs bien connus dans le monde d’Astérix.
Et l’information la plus importante : les sangliers qui font des claquettes étaient déjà présents dans la première version du spectacle !
Des chansons ont-elles été coupées ?
On avait notamment une chanson qui s’appelait “Aimer un Romain, c’est ce qu’il y a de plus beau”, qui est finalement devenue la simple citation vers la fin de la chanson “C’est du délire”.
Sérotonine devait également avoir sa propre chanson à la place de la reprise durant la scène de la préparation de la potion.
Malheureusement, avec une durée de spectacle aussi courte, nous avons dû faire des choix.
Nous aimons beaucoup le fait que C’est du Délire permette à des gens de découvrir ce genre de spectacles. Était-ce votre démarche ?
Tout à fait ! Il y avait une volonté très forte du parc de faire découvrir la comédie musicale à des gens qui n’en auraient jamais eu l’occasion ou qui ont des aprioris à ce sujet.
Et on a déjà eu des retours de gens qui pensaient détester ça mais qui ont finalement envie d’en découvrir d’autres après avoir vu le show, donc ça fait vraiment très plaisir.
Et le Parc Astérix a pris la décision d’assumer le fait que ça soit une comédie musicale (le sous-titre du spectacle “La première comédie musicale gauloise” donne le ton !), ce qui est très appréciable car l’industrie du cinéma a tendance à faire l’inverse en ce moment en gommant tous ces aspects des bandes-annonces de certaines productions (Wonka, Mean Girls).
Il y a de nombreuses références à la fois visuelles et auditives dans le spectacle ! Quelles ont été vos différentes inspirations ?
L’œuvre originale faisant la part belle à la parodie et aux références, c’était un super terrain de jeu, et d’autant plus en chanson !
Nous avons pris plaisir à glisser des références à l’univers d’Astérix comme le célèbre pudding à l’arsenic du film d’animation Astérix et Cléopâtre ; ou encore le monologue d’Otis du film d’Alain Chabat.
Il y a aussi des clins d’œil auditifs à des comédies musicales comme West Side Story, Roméo et Juliette ou Chantons sous la Pluie.
Comme cela peut se faire dans la BD, nous avons choisi des références à la pop culture ou à des notions plus actuelles (Star Academy, Johnny Hallyday, Star Wars).
Enfin la mise en scène contient des hommages à la Belle et la Belle (Au Village Gaulois), Something Rotten (C’est du Délire) ou encore Shrek the Musical (notamment pour ses couleurs vibrantes) !
Quels étaient les attendus concernant le style musical du spectacle ?
Le parc et nous-même voulions qu’il y ait une large diversité des genres. Et cela fait sens avec les différents personnages. Le village a un côté plus traditionnel, se rapprochant du Broadway classique.
A contrario, Groupidupianix possède des sonorités pop, rock voire rap, de la pop acidulé pour Sérotonine et une ambiance gym tonic pour les Romains !
C’était challengeant de devoir composer avec tous ces genres, mais c’était aussi très plaisant !
D’ailleurs, c’est Delphine Pons qui nous a suggéré d’incorporer du rap, et c’était un terrain de jeu super, car on n’est pas habitués à écrire et parodier dans ce style. En écrivant la partie rappée de Groupidupianix dans “J’veux du tonus”, cela nous a permis d’aller chercher des codes différents, qui sont présents dans des comédies musicales à succès comme Hamilton. Ce n’est pas pour autant un ajout gratuit puisque c’est justifié dans le scénario, car pour donner le temps aux villageois de s’échapper du camp romain, il faut que Groupidupianix innove sans arrêt pour distraire les Romains !
Quels sont les premiers retours sur le spectacle ? Comment est assuré le suivi ?
Nous avons de très bons retours, que ce soit spectateur ou presse et nous en sommes très heureux. Certains sont particulièrement touchants, notamment pour les personnes passionnées par l’univers d’Astérix, qui représente quelque chose de très important pour eux. Cela nous fait également plaisir quand les gens nous disent avoir envie de découvrir d’autres comédies musicales.
Un retour qui nous a particulièrement marqué est celui d’Anne Goscinny, qui a adoré le spectacle. Nous ignorions par ailleurs que son papa, René Goscinny, était fan de comédies musicales !
Nous réalisons des ajustements quotidiennement sur le spectacle afin d’assurer la meilleure qualité possible. Pour vous donner un exemple, la perruque de Groupidupianix ne convenait pas forcément à tous les comédiens, nous avons donc réalisé des modifications en conséquence.
Julien et Aliénor Rambaud, l’assistante de mise en scène sur le spectacle, assurent le suivi en tant que metteurs en scène résidents. Ils sont là tous les jours pour prendre des notes afin d’ajuster au mieux, et de veiller à la bonne tenue du parcours émotionnel des personnages.
Un grand merci à Julien Salvia et Ludovic-Alexandre Vidal de nous avoir accueillis et d’avoir répondu à nos questions, ainsi qu’aux équipes du Parc Astérix qui ont permis la réalisation de cette interview.
Faites d’un menhir deux coups en découvrant le reste de l’interview dans le podcast Place du Carrousel, disponible sur toutes les plateformes.