Mer de Sable : retour sur 60 ans d’aventures
2023 est un cap important pour le plus ancien parc à thème de France ! La Mer de Sable fête ses 60 ans, une sacrée longévité qui a forcément vu passer un grand nombre d’aventures. Cap sur l’Oise pour explorer l’histoire de ce parc mythique, en retraçant ses expériences cultes mais aussi quelquefois saugrenues qui ont parsemé les années.
Les premières expéditions
Qui diable est assez fou pour apporter tout ce sable au milieu de la forêt ? Pour le savoir, c’est plutôt 60 millions d’années que 60 ans en arrière qu’il faut remonter, puisque cette curiosité géologique est d’origine naturelle ! L’océan recouvrant à l’époque le bassin parisien a déposé du sable en quantité dans la région, et des déboisements du 18e siècle l’ont fait refaire surface pour donner au lieu son aspect d’aujourd’hui.
En se baladant autour de son zoo ouvert dans les années 50 à Ermenonville, l’acteur et homme de cirque Jean Richard repère l’étendue sablonneuse et décide en 1963 d’y créer le premier parc à thème de France. Quelques parcs d’attractions comme Bagatelle dans le Nord étaient déjà installés, mais aucun ne proposait le dépaysement dont rêvait l’interprète du commissaire Maigret. Son but : proposer un bol d’air aux franciliens, en leur permettant de s’amuser autant qu’à la fête foraine, mais dans un cadre relaxant et naturel.
Après deux mois et demi de travaux, les premiers visiteurs franchissent les portes de la Mer de Sable le 8 juin 1963, juste après une inauguration en présence de grands noms comme Maurice Chevalier, Jean Marais ou encore Bourvil.
À l’entrée, on arrive dans un village européen bordé par la gare de Champigneulles et un premier espace récréatif sur le thème du cirque. Toboggan en forme d’éléphant, chevaux à bascule, mini ménagerie et balades en poney ravissent ici les enfants. Les visiteurs ne sont pas encore dépaysés dans ce quartier européen, mais il est le point de départ d’un tour du monde explorant des contrées bien plus lointaines.
D’abord, l’étendue de sable est mise à profit pour représenter le Sahara, dans une zone africaine avec un oasis, des tentes, des caravanes de chameaux, et une partie safari.
Plus loin, c’est en Asie qu’on voyage. On y découvre une pagode et autres décors hébergeant une panthère, et des activités pour les plus minutieux comme du billard japonais.
Enfin, une zone Texas accueille le public avide de conquête de l’Ouest, avec un saloon, un corral, des tipis et totems, et une végétation thématique.
Nombreuses sont les activités et animations, respectant plus ou moins les thèmes, mais amusant petits et grands. De plus, certains bâtiments comme le saloon sont toujours debout 60 ans après.
Pour compléter le tout, une roue panoramique domine le parc, comme un toboggan de 38 mètres, le plus grand de France !
Malgré cela, Jean Richard a de la suite dans les idées, car ce qui est installé la première année n’est en réalité qu’un tiers de ce qu’il ambitionne. Il évoque par exemple la construction d’une piscine, l’ajout d’ateliers autour de derricks extrayant du pétrole, l’arrivée d’un Gulliver géant étendu sur le sable abritant une salle de projection de dessins animés, une piste de ski avec télésiège, et même un pavillon de l’an 2000.
Ces projets extravagants ne seront pas réalisés, mais les nouveautés peupleront tout de même rapidement le parc.
Entre expériences cultes et curiosités
Les activités se multiplient rapidement à la Mer de Sable. En 1965, de l’autre côté du désert, s’installent des automates mettant vie aux contes de Perrault et Grimm dans la Forêt Enchantée. « Une sorte de Musée Grévin de la nature », décrit le fondateur du parc.
Pour se rendre à cette Forêt Enchantée, un train « trans-saharien » est installé, et est aujourd’hui l’attraction la plus ancienne encore en service.
Le train devient vite le théâtre du spectacle mythique de la Mer de Sable : l’Attaque du Train. Au moins cinq fois par jour à l’époque, des bandits bondissent sur le toit du train alors que des visiteurs sont à bord, et des cavaliers s’approchent au galop depuis le fond du désert pour s’engager dans des rixes haletantes. Un véritable western hollywoodien, mais bien réel, et dans un décor qu’aucun autre parc à thème ne pourra égaler.
En évoluant avec le temps, L’Attaque du Train installe la Mer de Sable dans la cour des grands en ce qui concerne les spectacles, malgré des moyens bien plus limités qu’ailleurs. Ce n’est pas par hasard que les représentations fassent encore palpiter petits et grands aujourd’hui.
Au-delà de ces expériences bien connues, le parc a regorgé d’autres idées plus ou moins curieuses, mais sans aucun doute très amusantes ou éducatives à l’époque. Pour les casse-cou il a été possible de faire de la luge ou de piloter des voitures de course miniatures. Pour les curieux, une démonstration de la télévision en couleurs était proposée. Pour les plus joueurs, un espace de pétanque était décoré comme un cabanon marseillais. Et si vous entendiez un hélicoptère fendre le ciel d’Ermenonville, c’est parce que Johnny Halliday se posait au milieu du parc, car des vedettes étaient pendant un temps invitées tous les dimanches.
Mais fini de rire ! À la fin des années 80, les grands parcs à thème prolifèrent en France et il est temps pour la Mer de Sable de muscler son jeu avec des expériences plus ambitieuses.
En 1988, les premières bouées naviguent dans les tumultes de la Rivière Sauvage. Le parcours a une longueur limitée, mais un vrai travail a été fait pour l’intégrer aux décors de l’Ouest américain.
Ensuite, à l’aube de l’arrivée de Disney en France avec ses parcours scéniques plus démesurés les uns que les autres, la Mer de Sable n’a pas froid aux yeux et inaugure en 1990 son dark ride maison : La Clairière des Chikapas.
Les passagers traversent de nombreuses scènes dans la jungle où ils peuvent observer une centaine d’animaux en peluche animés. Ici, pas d’animatroniques hors de prix, mais des moteurs au plafond tirant des fils mettant en mouvement les personnages. C’est Jean-Claude Dehix, qui concevait déjà les vitrines de Noël des grands magasins parisiens, qui a réutilisé son savoir-faire à Ermenonville.
La première année, le parcours se faisait à pied, mais ce n’était que temporaire avant que les bateaux conçus par le parc lui-même aient été installés la deuxième année.
En 1996, le parc s’offre une attraction qui détient encore aujourd’hui un record de France : Cheyenne River. Ce parcours de bûches aquatique est en effet le plus haut du pays, et ça se ressent quand on arrive au sommet de la vertigineuse chute de 20 mètres, plus haute que les célèbres Splash Mountain et Chiapas !
Là aussi, l’intégration sur une colline, sans aucun poteau visible, en fait un flume ride ravissant, avec en prime un spectaculaire panorama sur la dune de sable en contrebas. Aujourd’hui, Cheyenne River approche la trentaine mais reste peut-être l’attraction la plus culte du parc, et reste très prisée par les visiteurs.
Enfin, faisons une mention honorable au Train du Colorado, un train de la mine aujourd’hui disparu qui était lui aussi joliment décoré et promettait aux jeunes une promenade à toute vitesse dans un beau paysage, après une première chute dans une sinistre grotte.
Rassurez-vous, cette période moins ancienne a aussi eu droit à son lot de curiosités. Par exemple, dans la pagode chinoise, le Temple du Mystère est mis au point en 2001 par le célèbre illusionniste Gérard Majax. Son système nommé « hallucinoscope » repose sur un casque doté d’un miroir donnant l’impression de traverser des décors ou de marcher en lévitation, et permet ici de transporter les visiteurs dans la mythologie chinoise.
Du côté de la Forêt Enchantée, les contes de fées ont laissé place aux « Babagattaux », des marionnettes colorées d’animaux mis en scène dans des nouvelles histoires, en utilisant la mécanique reprise quelques années après pour les Chikapas.
Se repositionner pour éviter un duel dans l’Ouest
Depuis son ouverture, la Mer de Sable appartient à la famille de Jean Richard, mais cette indépendance prend fin à l’été 2005. La Compagnie des Alpes, déjà propriétaire du Parc Astérix et d’autres sites de loisirs, étend son empire en mettant la main sur le parc d’Ermenonville, qui accueillait alors une moyenne de 400 000 visiteurs par an.
Les capacités du grand groupe permettent de nouvelles perspectives d’investissement, mais quelle direction prendre pour le développement du parc tout en évitant de s’auto-concurrencer avec les gaulois implantés à seulement 6 km ? La décision est alors prise d’exclusivement orienter la Mer de Sable vers la cible des enfants. Entre les saisons 2006 et 2007, un grand rafraîchissement du parc est entrepris. Fini les activités désuètes comme les balades en chameaux, et une dizaine d’attractions sont démontées pour être remplacées par des nouveautés.
Il faut dire que l’offre s’était un peu perdue, notamment dans la zone européenne qui était devenue un prétexte pour y installer des manèges forains sans identité, et pour certains beaucoup trop extrêmes. La Compagnie des Alpes a donc épluché le catalogue des constructeurs italiens bon marché pour commander des attractions plaisant aux enfants, tout en faisant attention à leur décoration pour que le parc soit cohérent. Terminé le thème européen à l’entrée du parc, on se recentre sur trois thématiques fortes : Pionniers, Désert et Jungle.
Ces grands bouleversements auront du mal à être acceptés par les équipes de l’époque qui ont l’impression de perdre leur parc, mais les attractions et spectacles cultes sont bien sûr conservés pour que l’identité du parc ne s’égare pas.
Après cela, la fréquentation aura malheureusement du mal à remonter en stagnant autour de 350 000 visiteurs pendant plusieurs années. La direction tente néanmoins de redonner un souffle au parc avec une grande nouveauté en 2011, Tiger Express. Cette montagne russe « wild mouse » très joliment décorée est la plus grande du parc, mais est pertinemment dosée pour ne pas effrayer les familles.
Pourtant, toujours pas de bond de fréquentation, celle-ci tombe sous les 320 000 visiteurs. La Compagnie des Alpes finit par céder plusieurs de ses parcs dont la Mer de Sable dans le but de se focaliser sur ses plus grands sites. Le Groupe Looping, lui aussi français, reprend le parc d’Ermenonville en 2015 et se retrouve avec un portefeuille d’une quinzaine de parcs à développer.
Plusieurs nouveautés arrivent à la Mer de Sable, comme la petite montagne russe Bandidos, le Disk’O Simoun, ou encore le manège aquatique Aquasouk. Même si le budget de ces nouveautés n’est pas immense, le rythme d’investissement est plutôt soutenu pour améliorer l’attractivité du parc.
D’autre part, le parc tente pour la première fois en 2017 de dynamiser sa fin de saison avec un tout nouvel événement d’Halloween : L’Épouvantable Mer de Sable. Pas de grosses frayeurs au programme, mais des animations adaptées aux jeunes et dans le respect des thèmes du parc. Par exemple, le shérif accompagne les passagers du Train des Sables à la rencontre de monstrueux personnages qui ne manqueront pas d’utiliser leur savoir-faire de cascadeurs pour surprendre.
Le succès est au rendez-vous et contribue à déclencher des visites supplémentaires ces dernières années.
Après 60 ans, retour aux sources
Pour entamer les années 2020, il fallait trouver une nouvelle attraction phare au parc pour faire parler de lui. Le choix s’est porté vers le plus efficace dans ces situations : une montagne russe. C’est ainsi que Silver Mountain a vu le jour en 2021, avec des décors détaillés et des sensations parfaites pour le public visé. La belle nouveauté dont le parc avait besoin !
La stratégie semble payante, 400 000 visiteurs franchissent les portes du parc en 2022 (aussi lié au grand rebond constaté dans toute l’industrie des loisirs après les confinements).
L’année 2023 est marqué par les 60 ans du parc, qui veut fêter cela dignement. On assiste à un véritable retour au sources avec la réouverture du ranch (originellement la Forêt Enchantée) maintenant équipé d’une mini ferme, le retour de l’attaque du vrai train comme à l’époque (plutôt que d’un train factice), et le réaménagement de l’entrée du parc pour lui donner une nouvelle jeunesse. Des moments festifs sont aussi prévus : une grande soirée d’anniversaire le 3 juin et le retour du feu d’artifice du 13 juillet.
L’objectif est de toujours plus plaire aux familles avec jeunes enfants, en conservant des prix très attractifs à la fois sur les billets d’entrée et la restauration. Les voisins gaulois resteront irréductibles, mais la Mer de Sable a l’ambition d’être le lieu qui fait découvrir les parcs d’attractions aux enfants, avant que ceux-ci se rendent chez les grands parcs comme le Parc Astérix, et peut-être reviennent quelques années plus tard avec leurs propres enfants.
En 60 ans, d’innombrables aventures ont été vécues à la Mer de Sable. Le parc s’adresse principalement aux enfants, mais tout le monde peut tomber sous le charme de ses expériences parmi les plus mythiques de France, comme Cheyenne River, Le Bayou des Chikapas et ses trois grands spectacles.
Si quelques périodes ont été faibles, une véritable montée en puissance a lieu en ce moment. Espérons que cela permettra à un maximum de monde de découvrir celui qui est le pionnier des parcs à thème français, le temps d’une journée d’évasion dans un site exceptionnel !
Sources :
- INA — Inauguration de ma Mer de Sable
- INA — Pierre Louis à la Mer de sable, en compagnie de Jean Richard
- bachybouzouk.free.fr — La Mer de Sable
- Génération Jean Richard — Les parcs d’attractions de Jean Richard
- BnF — Cols bleus : hebdomadaire de la Marine française
- INA — Spectacle de marionnettes à la mer de sable
- Le Lutécien — Comment fonctionnent les CHIKAPAS de la Mer de Sable ?
- hallucinoscope.com — L’Hallucinoscope de Gérard Majax
- Le Parisien — Astérix se paie la Mer de Sable
- David Fremery — Les nouveautés 2023 de La Mer de Sable !