Du Château Hanté à Danse Macabre : la mystérieuse histoire d’un bal sinistre à Efteling
En 2024, Halloween a été bien particulier pour le parc néerlandais Efteling. En effet : le 31 octobre a été inauguré Danse Macabre, leur tout dernier projet, qui promet de donner quelques frissons à ses visiteurs.
Construite en lieu et place de Spookslot, un spectacle d’animatroniques datant de 1978 devenu trop désuet avec le temps et qui avait fermé ses portes en 2022, nous allons voir qu’il s’en inspire pourtant largement et que de simples spectateurs des événements, nous allons en devenir des acteurs !
Les origines du château hanté Spookslot
Dans les années 1970, Efteling était un paisible parc naturel avec pour principale attraction le Bois des Contes, une promenade forestière au travers de décors évoquant les contes de fées populaires. Avec l’ajout de différentes histoires au fil des années l’attraction s’enrichit et en 1966, est inauguré avec succès les Nénuphars Indiens, le plus gros conte construit jusqu’alors, inspiré du conte éponyme écrit par la reine Fabiola, comportant 17 animatroniques animés au rythme d’une musique joyeuse.
À sa conception, on retrouve le célèbre illustrateur néerlandais Anton Pieck, qui a donné son identité visuelle au parc, ainsi que le jeune Ton Van de Ven, dont le talent est déjà reconnu par ses pairs, et qui aura justement la charge de la direction artistique de Spookslot, son premier projet de grande envergure.
Pour fêter le 25e anniversaire du parc, la direction souhaitait une attraction majeure d’autant plus que la fréquentation déclinait drastiquement.
Après avoir visité Haunted Mansion lors d’un voyage à Walt Disney World Resort et Disneyland Resort, le choix des équipes créatives se porta rapidement sur une maison hantée. C’est la première attraction du parc à ne pas être inspirée par un conte ou une histoire existante. Efteling n’étant à l’époque pas le parc d’attractions majeur que l’on connaît aujourd’hui, son budget est plus restreint : il est ainsi décidé de ne pas investir dans un système de transport. L’attraction sera un spectacle d’automates, que le public peut contempler debout derrière une vitre.
Spookslot a coûté près de 1,58 millions d’euros, et constituait une véritable prouesse technique pour l’époque. Mêlant diverses techniques, telles que les fantômes de Pepper (illusion d’optique bien connue du monde du théâtre, utiliser notamment pour faire apparaître des objets transparents tels que des fantômes), ou encore des automates, le tout sur la superbe musique de Camille Saint-Saëns d’après le poème d’Henri Cazalis : Danse Macabre. Il a fallu également programmer l’intégralité du spectacle, tâche d’autant plus fastidieuse que l’ère du numérique n’était pas encore arrivée. Spookslot est inauguré en grandes pompes (funèbres) le 10 mai 1978.
Pour promouvoir la nouvelle attraction, le parc communique de façon intensive sur sa nouveauté, à la radio, la télévision ou encore les journaux.
Fait amusant : la pop star Kate Bush, tout juste découverte par le grand public à l’époque, a fait ses débuts à la télévisions néerlandaise dans une émission spéciale tournée à Efteling, diffusée 2 jours après l’ouverture du château hanté dans le cadre de la sortie de son album « The Kick Inside ». L’une des prestations a notamment été tournée intégralement dans Spookslot. Un joli coup de pub !
D’ailleurs, le parc lui a fait un étrange cadeau : une pierre tombale portant son nom, qui était une visible pendant une certaine période à l’extérieur de l’attraction.
Spookslot est un véritable succès pour Efteling, qui voit sa fréquentation augmenter, ce qui marque la première pierre (tombale) d’un ambitieux plan visant à transformer le complexe de loisirs en véritable parc d’attractions. Progressivement, de nouvelles attractions apparaissent, comme Python en 1981, les premières montagnes russes du parc qui marquent clairement le changement de stratégie.
Après l’ouverture de Fata Morgana (1986) et de Droomvlucht (1993), Spookslot a perdu en popularité et les longues files d’attente du début ne sont plus que souvenirs. En effet, le simple spectacle d’animatroniques semble un peu désuet et fait pâle figure face à ces mastodontes du monde des dark rides. L’attraction était par ailleurs la moins bien notée du parc.
En ajoutant à cela l’accumulation d’avaries techniques, et la dégradation progressive des décors (faits de polystyrène, d’ailleurs hautement inflammables !), l’avenir de Spookslot ne se présente pas sous les meilleurs auspices.
C’est ainsi qu’Efteling a annoncé la fermeture définitive de Spookslot le 4 septembre 2022, après un dernier hommage lors d’une soirée à son honneur rassemblant les fans de l’attraction. Même si ses portes se sont refermées pour l’éternité, l’attraction a été immortalisée numériquement sur la chaîne YouTube d’Efteling.
L’entrée en piste de Danse Macabre
Le 31 octobre 2022, le remplaçant du château hanté est officiellement annoncé : Danse Macabre. Un nom symbolique, qui montre la volonté de la part de la direction de sauvegarder l’héritage artistique de l’attraction culte désormais disparue en lui rendant hommage.
L’histoire de l’attraction est distillée au compte-goutte à travers les différents making-of, disponibles sur YouTube :
Le vendredi 13 octobre 1876, alors qu’un concert était donné à l’abbaye de Kaatsheuvel, au cœur de la forêt dénommée Huyverwoud, le célèbre chef d’orchestre Joseph Charlatan, ainsi que ses musiciens disparaissaient sans laisser de trace.
La descendante de Joseph, Virginie, et son mari Otto, des marchands-guérisseurs parcourant le monde, sont attirés sur les lieux de la disparition bien des années plus tard par leur orgue de Barbarie prénommée Esméralda, qui semble comme possédée par l’environnement lugubre d’Huyverwoud. Serait-ce lié à la présence d’un mystérieux petit chat noir, aux yeux vairons, devenu par ailleurs instantanément la coqueluche des fans ?
Que s’est-il donc passé le 13 octobre 1876 et qu’est-il arrivé à l’orchestre ? C’est à ces interrogations que pourront répondre les courageux visiteurs osant pénétrer dans l’abbaye délabrée pour participer à la danse macabre.
Cela ne s’annonce en tout cas pas de tout repos, puisque là où Spookslot était très contemplatif, Danse Macabre fait des visiteurs de véritables acteurs ; en leur faisant prendre place sur une plateforme mouvante et autour d’eux, un macabre spectacle prend vie, d’une manière plus immersive et interactive que son prédécesseur puisque l’attraction fait danser les visiteurs au son de la célèbre musique de Saint Saëns.
Le plateau tournant mesure de 18 mètres de diamètre, accueillant lui-même 6 plateaux rotatifs de chacun 18 places (soit un total de 108 personnes par cycle), sous forme de stalles de chœur. Pendant l’expérience, la plateforme monte et descend, mais effectue aussi des rotations et des inclinaisons. Pour ce nouveau projet, Efteling a collaboré avec le célèbre constructeur liechtensteinois Intamin. L’attraction a une capacité maximale de 1250 personnes par heure, soit un petit peu moins que Symbolica.
Le parc a également indiqué que la chaleur produite par la machinerie serait réutilisée pour chauffer d’autres bâtiments du parc. Une belle initiative. Pour une aventure davantage inclusive : les personnes en situation de handicap peuvent faire la file d’attente et assister au spectacle à travers un écran immersif en même temps que leur groupe, avec des effets sonores, lumineux et olfactifs.
Le projet a coûté 35 millions d’euros pour l’attraction et sa zone thématique, comportant des points de restauration (In den Swarte Kat, ouvert durant l’été 2023 et ‘t Koetshuys), une boutique et des toilettes thématisées.
Le bâtiment de l’attraction est le véritable point d’orgue de la zone. D’une hauteur de 20m, il est inspiré des abbayes belges de Villers-la-Ville, Aulne ou encore Orval.
Derrière le projet on retrouve un duo expérimenté de créatifs bien connus des passionnés d’Efteling : Sander de Bruijn (Baron 1898, Symbolica) et Jeroen Verheij (Bäckerei Krümel, Fabula). Ayant bien en tête l’attachement des fans pour Spookslot, la tâche sera de lui rendre le meilleur des hommages. Les croquis originaux et autres concepts de Spookslot ont d’ailleurs servi d’inspiration pour le projet.
À la musique, on retrouve René Merchelbach, compositeur attitré du parc, qui propose une toute nouvelle orchestration de Danse Macabre ainsi que des morceaux inédits, enregistrés avec près de 75 musiciens.
Par ailleurs, de nombreux éléments de décors ont été repris directement du château hanté, et les références à l’attractions sont nombreuses. L’iconique violon flottant ainsi que d’autres créatures visibles dans le spectacle de 1978 y font leur grand retour. Aussi, une partie du bâtiment de Spookslot a même été conservée, s’intégrant parfaitement avec l’abbaye médiévale.
Des concepts abandonnés de Spookslot vont même voir le jour grâce à Danse Macabre. En effet, Ton van de Ven envisageait d’intégrer un chef d’orchestre au spectacle, sous forme d’animatronique. Les moyens techniques étant trop limités à l’époque, il ne vit jamais le jour. Cependant, les concepteurs de Danse Macabre ont repris les concept arts de van de Ven et ont fait de ce personnage un élément clé du spectacle. C’est d’autant plus émouvant, quand on sait que Ton coordonnait la programmation des effets de Spookslot, et était décrit comme un chef d’orchestre par ses collègues. Un bel hommage à l’une des figures emblématiques d’Efteling.
Même Kate Bush a le droit à son easter-egg, puisque l’une des musiciennes disparues se nomme Catherine Arbuste (soit la traduction littérale du nom de la chanteuse en français !). On peut retrouver cette référence dans la taverne In Den Swarte Kat (Au Chat Noir), et dans la file d’attente de l’attraction).
S’inscrivant dans la lignée directe de Spookslot, Danse Macabre lui rend un vibrant hommage et témoigne du savoir-faire d’Efteling en terme de narration et d’immersion. Découvrez prochain notre avis détaillé sur notre expérience.